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LAM - Libres Apprenants du Monde -
12 juin 2020

Les "vacances apprenantes" de Jean Mi

Not' bon ministre de l'Education nationale l'a annoncé : cette année, les enfants auront des "vacances apprenantes".

Ils auraient peut-être voulu des vacances chouettes, des vacances en famille, des vacances avec les potes, des vacances tout court. Mais ils auront des "vacances apprenantes". A croire que pendant des vacances normales, on n'apprend rien. Quelle méconnaissance de l'humain ! Cette machine à apprendre est sans cesse en éveil, il n'y a pas de vacances pour les jeunes cerveaux. Mais le ministre a dit que... Bref...

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Photo : R. Doisneau

Ce dispositif des "vacances apprenantes" est au coeur de la guerre idéologique que JM Blanquer est en train de livrer. C'est une guerre discrète, qui se joue sur les mots, les sous-entendus, les non-dits. Mais en réalité, lorsqu'il parle de "vacances apprenantes",  voila ce que not' ministre nous sussurre à l'oreille :

- on doit apprendre

Rien que ça, c'est déjà un truc un peu foufou... qui a dit que l'on devait apprendre ? Et pourquoi les jeunes devraient apprendre plus que les autres ? Quand on nous dit ça, on nous dit que c'est à un autre de décider quand, comment, et ce que l'on apprend. On nous dit également qu'apprendre, c'est important, et que si on s'arrête d'apprendre, ensuite, on a des lacunes, avec ce sous-entendu terrible : on loupe sa vie, on devient un parasite, un raté, un rien (vous vous souvenez, de "ceux qui ne sont rien" ?). Ce discours joue sur la peur des parents qui se sentent responsables de l'avenir de leurs enfants, et veulent le meilleur pour eux. "Attention, si vos enfants n'apprennent pas, ils vont louper leur vie !" brrr, ça fait froid dans le dos dis donc ! heureusement qu'il y a les "vacances apprenantes" pour Gégé !"

- un jeune ne peut apprendre qu'avec un professeur, qui suit un programme, une méthode, et les lui impose

En réalité, pendant les vacances, comme pendant n'importe quel moment de la vie, les jeunes, tout comme les autres, apprenent. En permanence. Nul besoin d'un prof diplômé, d'un horaire précis ou d'un programme pondu par un énarque pour ça. Mais ça, not' ministre ne peut pas le dire, parce que ce qu'il veut, c'est que l'école ait l'air indispensable. Alors il le dit. On sait jamais, sur un coup de chance, les gens pourraient finir par croire qu'il n'y a qu'à l'école que l'on apprend !

- l'école est la seule à pouvoir fournir du "lien social" aux jeunes personnes

M'enfin... Vraiment ? On s'arrête là-dessus ? Déjà, cette espèce de tartufferie de "lien social" qu'on nous sert à tous les repas depuis 20 ans, ça commence à aller, mais alors l'école comme vecteur de lien social, on repassera ! Enfermer des jeunes du même âge, du même milieu et du même lieu de résidence, ou à peu près, tous les jours, pendant parfois plusieurs années, ce n'est pas ce que l'on appelle du "lien social". Cela relève davantage de la socialisation forcée dans l'entre-soi, et c'est très différent. Là encore, aucun besoin d'un dispositif spécial et pompeux pour que les jeunes rencontrent du monde durant leurs vacances : laissons-les se déplacer, parler aux inconnus, aller dans le vaste monde (celui qui commence devant chez eux) et ils feront des rencontres nourissantes et épanouissantes, à n'en pas douter. Donc on nous fait croire que l'école est la seule à permettre non seulement l'acquisition de savoirs nécessaires à une vie future réussie, mais également des rencontres et liens épanouissants socialement. L'emprise scolaire s'étend alors au-delà des compétences académiques. L'école devient comme ce supermarché où l'on peut trouver tout notre nécessaire au même endroit : plus besoin d'aller chez le boulanger, le maraicher, le papetier, le quincailler, non, tout est là. L'école, c'est pareil : ne sortez plus, on a tout ce qu'il vous faut : des savoirs et compétences pour votre avenir, des relations sociales, et tout le reste, n'allez rien chercher ailleurs, restez là. Fermez la porte.

- les familles qui ont le plus besoin de l'école sont les familles des quartiers sensibles et du monde rural

Haaaa... le mépris de classe... il ne manquait plus que lui pour compléter le tableau. Ces classes pauvres et laborieuses sont-elles encore dangereuses ? Je n'en sais rien. Mais en tous cas, not' ministre a envie de les tenir bien serrées sous sa coupe. Faut pas qu'elles aient trop envie de liberté. Alors on construit un ennemi intérieur bien pratique, on le dessine ignorant, non connecté et mal dégrossi. Et on laisse infuser. Vraiment, les non-dits et les sous-entendus, ça marche bien. Et puis, on sera bien contents, que ces dispositifs concernent "les autres", ceux qui n'ont pas respecté les règles du jeu social, ceux qui ont tiré les mauvaises cartes dès le début. Mais nous, ouf ! on est à l'abri. Not' ministre, là, il n'est pas du tout en train de construire du lien social... il est en train de consolider des divisions sociales. C'est moche, quand même...

 

Les "vacances apprenantes", ce ne sont donc pas des vacances offertes par le gouvernement pour que les jeunes passent du bon temps. Non, non, non. Ce sont des moments où l'on rattrape son retard, où l'on comble ses lacunes, où l'on cesse le décrochage. Et c'est tout bénef : les parents flippent pour leurs rejetons, les plus démunis sont culpabilisés et surveillés d'encore plus près, les jeunes sont sous tutelle pour une année entière sans répit, l'école étend son emprise et le ministre distille son idéologie rétrograde du savoir et des apprentissages. Bien joué Jean-Mi.

Allez, bonne vacances (buissonnières) !

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Commentaires

Jiddu Krishnamurti a dit : 

Ce n'est pas un signe de bonne santé mentale que d'être adapté à une société malade.

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